Les trois vies de Kepler

celle d'un enfant inquiet, d'un savant obstiné et d'un rêveur mystique

Un esprit torturé, une vie difficile

Johannes Kepler a vécu une vie chaotique dans une Allemagne bousculée par les guerres de religions. Enfant inquiet né d’une famille pauvre, il accède à l’éducation grâce au système de bourses mis en place dans sa région et devient mathématicien royal, évoluant ainsi dans un milieu socialement bien supérieur au sien. C’est l’une des personnalités les plus attachantes de cette époque ; il a beaucoup écrit sur sa famille, ses proches et lui-même, avec une franchise et une implacabilité déroutantes.

      Autodescription de Kepler

Un parcours scientifique guidé par une chimère

Comme la plupart des mathématiciens, Kepler sait ce qu’il veut trouver avant même de chercher… et de trouver autre chose ! Il veut découvrir un ordre cosmique, des formes et des proportions qui se retrouveraient partout dans l’univers et résonneraient entre elles : la géométrie gouvernerait le mouvement des planètes (qui gouvernerait les destinées humaines — Kepler est aussi astrologue !). Écoutons-le décrire sa vision du monde.

      La géométrie dans le monde

Si cette chimère l’a conduit à construire un modèle erroné du monde, elle l’a aussi poussé dans des recherches acharnées au cours desquelles il a découvert ses trois lois, pierres angulaires de la mécanique céleste.

Portrait de Kepler pour un timbre de la République Tchèque, 2009

Derrière toutes les découvertes scientifiques il y a des rêves, des erreurs, des espoirs, des préjugés… bref, de la pensée humaine !

Le Mysterium Cosmographicum, dessin de Kepler, 1596
le Mysterium Cosmographicum, dessin de Kepler, 1596

L’harmonie des sphères

Le fameux modèle de Kepler est une description géométrique du système solaire (dont on ne connaissait à l’époque que 6 planètes) qui utilise les cinq solides de Platon, dont on sait depuis l’Antiquité grecque qu’ils sont les cinq seuls solides réguliers de l’espace. Il y a le tétraèdre, le cube, l’octaèdre ; le dodécaèdre et l’icosaèdre. Le modèle de Kepler inscrit les six trajectoires des six planètes sur six sphères séparées par les cinq solides platoniciens.

C’était un modèle complètement faux, mais très joli. L’idée que les mouvements des planètes sont reliés par des proportions géométriques donnés par les cinq solides les plus réguliers de l’espace, c’est très harmonieux. Aujourd’hui encore, cette idée continue de fasciner des gens qui confectionnent reproductions de ce modèle : en bois, en métal, en verre…

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Et si notre système solaire avait comporté deux soleils en son centre ?

Aller plus loin sur ce sujet

A propos de Kepler :

  • Le magnifique livre d’Arthur Koestler : Les somnambules, essai sur l’histoire des conceptions de l’Univers centré autour des personnages de Copernic, Kepler et Galilée.
  • Une biographie de Kepler : Kepler, le chien des étoiles, par Henriette Chardak.

A propos des timbres «  mathématiques  »  :

Notes et références
  • Les reproductions du modèle de Kepler dont sont présentées des photographies sont respectivement des oeuvres du Musée des Techniques de Vienne, de Bathsheba, Romano Folicaldi, et Joaquin Baldwin.
  • Les extraits des écrits de Kepler enregistrés sont issus de divers ouvrages. En voici les transcriptions :

Cet homme a en toutes choses une nature canine. Son apparence est celle d’un petit chien. 1. : son corps est agile, nerveux et bien proportionné. Même ses appétits étaient semblables : il aimait ronger les os et les croûtons de pain, et il était si glouton qu’il attrapait tout ce qu’il voyait ; cependant, comme les chiens, il boit peu et se contente de la plus simple nourriture. 2. : ses manières étaient semblables. Il recherchait continuellement l’amitié d’autrui, en tout dépendait des autres, se soumettait à leurs désirs, ne s’irritait jamais quand ils le repoussaient, attendant anxieusement de rentrer dans leurs bonnes grâces. Il était sans cesse en mouvement, furetant dans les sciences, la politique et les affaires privées, y compris les plus viles ; toujours suivant quelqu’un, imitant ses actes et ses pensées. (…) Il y avait dans cet homme deux tendances contraire : toujours regretter le temps perdu, et le perdre toujours volontiers. (…) Cet homme est né destiné à passer beaucoup de temps aux tâches difficiles qui font reculer les autres. Enfant, il s’essaya très tôt à la science des vers. Il tenta d’écrire des comédies et il choisissait les plus longs poèmes à apprendre par coeur. Ses efforts furent d’abord consacrés aux acrostiches et aux anagrammes. Plus tard, il se mit à des formes très difficiles de poésie lyrique, écrivit une ode pindarique, des dithyrambes et des compositions sur des sujets inaccoutumés tels que la demeure du Soleil, les sources des fleuves, la vue de l’Atlantide dans les nuages. Il aimait les énigmes et les jeux d’esprit subtils et il s’amusait fort des allégories qu’il agençait dans les plus petits détails en filant des métaphores compliquées. Il aimait composer des paradoxes et… il aimait les mathématiques par-dessus tout.

Mémoire, Oeuvres Complètes vol. V

 

La géométrie existait avant la Création, elle est co-éternelle avec l’esprit de Dieu, elle est Dieu lui-même ; la géométrie fournit à Dieu le modèle de la Création et elle fut implantée dans l’homme en même temps que la ressemblance de Dieu, -et non pas seulement présentée à son esprit par la vue.

Hamonices Mundi, Livre IV Chap. 1

 

Ainsi Dieu lui-même/ trop bon pour demeurer oisif commença à jouer le jeu des signatures/ signant son image sur le monde : donc je me risque à penser/ que toute la nature et la beauté des cieux/ sont symbolisées en l’art de la géométrie…/ Or Dieu le créateur en jouant/ apprit le jeu à la Nature/ qu’il créa à son image :/ lui enseigna le jeu qu’il lui jouait…

Tertius interveniens